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S'éloigner de tout rapproche un peu de l'essentiel
Dans de nombreuses églises, l’évangile de ce jour ne sera pas proclamé, en France à cause de sainte Jeanne d’Arc ou dans les pays catholiques où la Fête du Saint Sacrement est chômée. Le passage de la guérison de Bartimée constitue pourtant spécialement une perle précieuse.
Jésus et ses disciples arrivent à Jéricho. C’est la ville la plus basse du monde, en dessous du niveau de la mer. Étymologiquement, elle est la ville de la lune prompte à se tourner vers les faux cultes. Dans l’évangile selon saint Marc, sa sortie constitue un tournant, amorçant la montée vers Jérusalem, la Passion et la gloire.
Présente aussi la foule nombreuse mais versatile, la même qui acclame le Fils de David, Roi des Juifs aux Rameaux et crie Crucifie-le devant Pilate. Ici, certains voudront même empêcher la puissance du Maître de s’opérer en faisant taire l’importun et le rabrouant.
Jésus passe au bord de la route et sa puissance nous dépasse. Un mendiant aveugle va en bénéficier et, ce qui est rare, il est nommé ainsi que son père : Bartimée, fils de Timée. Saint Augustin pense ainsi que c’était un grand, connu naguère pour sa puissance et maintenant pour la déchéance liée à sa cécité : « Bartimée, fils de Timée, avait été autrefois dans une grande prospérité, et la misère dans laquelle il était tombé avait eu un grand retentissement, non seulement parce qu’il était devenu aveugle, mais parce qu’il était assis demandant l’aumône. Tel est le motif pour lequel saint Marc n’a désigné que lui par son nom. Le miracle qui lui rendait la vue dût avoir d’autant plus d’éclat que son malheur était partout connu. » Assis au bord du chemin, il mendiait. Il est comme établi dans son état de déchéance, ne pouvant atteindre que de maigres et éphémères secours humains pour survivre plutôt que pour vivre dans sa pleine dignité, lui dont le nom pouvait signifier Fils de l’honneur.
Les yeux vides mais les oreilles aiguisées, Bartimée se rend bien compte du tumulte et s’enquiert de son motif : C’est Jésus de Nazareth. Il n’a pas la première réaction désabusée de Nathanaël : "De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?" mais ayant entendu le Nom qui est au-dessus de tout nom, celui de Jésus, Dieu sauve, il est pris d’un grand mouvement de confiance et d’espérance et commence à crier : « Jésus, Fils de David, aie pitié de moi ! » Accordant ce titre messianique, il invite la royauté de Jésus à la compassion à son égard et malgré les tentatives des bien-pensants pour le faire taire, nul ne saurait lui imposer silence, nul ne pourrait arrêter l’épanchement de son âme vers Jésus. Le Seigneur ne connaît pas les foules mais chaque personne unique à ses yeux. La misère de l’aveugle fait s’arrêter devant elle la Miséricorde du Tout-Puissant. Par l’intermédiaire de ses disciples, Jésus l’appelle.
Les vrais disciples de Jésus, bien de loin de décourager l’aveugle, l’invite aux préparatifs les plus prochains de la confiance, pour sortir de son état languissant Lève-toi et s’abandonner Il t’appelle. Marthe se fera aussi la messagère de Jésus auprès de sa sœur Marie avant le grand miracle de la résurrection de Lazare "Le Maître est là et il t'appelle." Avec la même vivacité que Marie, l'aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus. Le manteau était peut-être son dernier bien matériel et même son gagne-pain, signe extérieur de son état de mendiant ou de toutes ses attaches passées, et, comme les disciples laissant leurs filets pour suivre Jésus, il s’en débarrasse pour courir vers Jésus qui exige qu’il expose sa misère Que veux-tu que je fasse pour toi ?
L‘abîme de nos misères peut se fracasser devant les profondeurs insondables de la Miséricorde divine et c’est le dernier cri de Bartimée plein de foi, d’espérance, de confiance en la puissance et en l’amour, sans détour ni circonlocution, dans la simplicité de l’enfance : Rabbouni, que je voie. Dans le Rabbouni, mon Maître bien-aimé, on reconnaît aussi ce qui sera la tendresse de la Madeleine au jardin de la Résurrection.
Par sa seule Parole efficace, le Verbe de Dieu fait chair, Sagesse éternelle du Père, Lumière née de la Lumière, guérit les yeux de Bartimée et sauve son âme, en récompense de la foi exprimée : Va, ta foi t'a sauvé à l’instar du seul lépreux reconnaissant parmi les dix. Dans et par la foi, Bartimée a jeté son manteau, a retrouvé la lumière, il peut commencer une vie nouvelle à la suite de Jésus. Aussitôt l'homme se mit à voir, et il suivait Jésus sur la route. « La foi est un chemin d’illumination : elle part de l'humilité de reconnaître que l'on a besoin de salut et elle arrive à la rencontre personnelle avec le Christ, qui appelle à le suivre sur le chemin de l'amour. » (Benoit XVI Angelus 29 octobre 2006)
Bartimée, certainement, nous représente à un moment de son existence et de la nôtre. Sommes-nous aveugles totalement ou partiellement devant le mystère de Dieu, devant ses appels répétés et devant nos manques de réponse ? Sommes-nous Bartimée plein de confiance implorant la divine clémence ? Sommes-nous Bartimée guéri de sa cécité et se mettant à la suite de Jésus ? Comme pour saint Paul, les écailles ont pu tomber de nos yeux lors de l’illumination de notre baptême ou d’une nouvelle conversion. La lumière que nous avons reçue sur nos chemins de Jéricho ou de Damas, nous ne pouvons la garder pour nous-mêmes. Sinon nous risquons d’être parmi ceux de la foule qui cherchent à confisquer Jésus pour eux seuls, qui l’acclameront et l’abandonneront. Avouons-le : n’aurions-nous pas honte très naturellement et chercherions-nous pas à fuir si nous entendions crier dans une foule ? Ne rougirions-nous pas du nom de chrétien, si a fortiori, quelqu’un à côté de nous dans une foule criait de plus belle à la puissance de Jésus. Tais-toi, tu nous fais honte !
Demandons au Seigneur la grâce de la lumière de Bartimée dans une foi affermie, une espérance confiante, une tendre charité pour nous mettre à la suite de Jésus, parmi ses vrais disciples, qui se font les messagers du Maître, transmettent son appel, invitent à la confiance. Il nous est impossible de garder le trésor reçu, "de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu", de ne pas être apôtres. Cela est exigeant : "Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il se renie lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive. " mais au-delà de toutes nos croix vécues avec Jésus, se trouvent la joie et la lumière de la Résurrection.