2ème semestre 2016

Pas de foi "bricolée"

Nous avons écouté un passage de l’Évangile de Matthieu (11, 2-6). L’intention de l’évangéliste est de nous faire entrer plus profondément dans le mystère de Jésus, pour saisir sa bonté et sa miséricorde. L’épisode est le suivant : Jean-Baptiste envoie ses disciples chez Jésus — Jean était en prison — pour lui poser une question très claire : Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? (v. 3). C’était précisément dans le moment de l’obscurité... Jean-Baptiste attendait avec impatience le Messie et dans sa prédication, il l’avait décrit de façon forte, comme un juge qui aurait enfin établi le Royaume de Dieu et purifié son peuple, en récompensant les bons et en châtiant les méchants. Il prêchait ainsi : Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres ; tout arbre donc qui ne produit pas de bon fruit va être coupé et jeté au feu (Mt 3, 10). À présent que Jésus a commencé sa mission publique avec un style différent, Jean souffre parce qu’il se trouve dans une double obscurité : dans l’obscurité de la prison et d’une cellule, et dans l’obscurité du cœur. Il ne comprend pas ce style de Jésus et veut savoir si c’est véritablement Lui le Messie, ou s’il doit en attendre un autre.

Et la réponse de Jésus semble à première vue ne pas correspondre à la demande de Jean-Baptiste. En effet, Jésus dit : Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ;  et heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! (vv. 4-6). L’intention du Seigneur Jésus devient ici claire : Il répond qu’il est l’instrument concret de la miséricorde du Père, qui va à la rencontre de tous en apportant la consolation et le salut, et de cette façon, il manifeste le jugement de Dieu. Les aveugles, les boiteux, les lépreux, les sourds, retrouvent leur dignité et ne sont plus exclus en raison de leur maladie, les morts revivent, tandis que la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. Et cela devient la synthèse de l’action de Jésus qui de cette façon, rend visible et tangible l’action même de Dieu.

Le message que l’Église reçoit de ce récit de la vie du Christ est très clair. Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour punir les pécheurs ni pour éliminer les méchants. Il leur adresse au contraire l’invitation à la conversion afin que, voyant les signes de la bonté divine, ils puissent retrouver le chemin du retour. Comme le dit le Psaume : Si tu retiens les fautes, Yahvé, Seigneur, qui subsistera ? / Mais le pardon est près de toi, pour que demeure ta crainte (130, 3-4).

La justice que Jean-Baptiste plaçait au centre de sa prédication se manifeste en Jésus en premier lieu comme miséricorde. Et les doutes du Précurseur ne font qu’anticiper l’étonnement que Jésus suscitera par la suite à travers ses actions et ses paroles. On comprend alors la conclusion de la réponse de Jésus : Heureux celui qui ne trébuchera pas à cause de moi ! » (v. 6). Trébucher signifie élever un « obstacle ». Jésus met donc en garde contre un danger particulier : si l’obstacle à la foi sont surtout ses actions de miséricorde, cela veut dire que l’on a une image erronée du Messie. Heureux en revanche ceux qui, face aux gestes et aux paroles de Jésus, rendent gloire au Père qui est dans les cieux.

L’avertissement de Jésus est toujours actuel : aujourd’hui aussi, l’homme construit des images de Dieu qui l’empêchent d’apprécier sa présence réelle. Certains se créent une foi « bricolée » qui réduit Dieu à l’espace limité de leurs propres désirs et de leurs propres convictions. Mais cette foi n’est pas la conversion au Seigneur qui se révèle, au contraire, elle l’empêche de provoquer notre vie et notre conscience. D’autres réduisent Dieu à une fausse idole : ils utilisent son saint nom pour justifier leurs intérêts ou même la haine et la violence. Pour d’autres encore, Dieu n’est qu’un refuge psychologique dans lequel être rassurés dans les moments difficiles : il s’agit d’une foi repliée sur elle-même, imperméable à la force de l’amour miséricordieux de Jésus qui pousse vers les frères. D’autres encore considèrent le Christ uniquement comme un bon maître d’enseignements éthiques, un parmi tant d’autres dans l’histoire. Enfin, il y a ceux qui étouffent la foi dans un rapport purement intimiste avec Jésus, annulant son élan missionnaire capable de transformer le monde et l’histoire. Nous, chrétiens, croyons dans le Dieu de Jésus Christ, et notre désir est de croître dans l’expérience vivante de son mystère d’amour. 

Audience générale, le 7 septembre 2016