En ce jour, j’aimerais avant tout rappeler les paroles que, selon une antique tradition, saint François a prononcées ici même, devant tout le peuple et devant les évêques : « Je désire vous envoyer tous au paradis. » Que pouvait le Petit Pauvre d’Assise demander de plus beau, sinon le don du salut, de la vie éternelle avec Dieu et de la joie sans fin, que Jésus a obtenu pour nous par sa mort et sa résurrection ?
(…) Peut-être saint François avait-il à l’esprit ces paroles de Jésus aux disciples : dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures ; sinon, vous aurais-je dit je pars vous préparer une place ? Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi (Jn 14, 2-3).
Le chemin du pardon est certainement le chemin principal à suivre pour rejoindre cette place au Paradis. Qu’il est difficile de pardonner ! Qu’il nous coûte de pardonner aux autres ! Pensons-y un peu ! Et ici à la Portioncule tout parle de pardon ! Quel grand don nous a fait le Seigneur en nous enseignant à pardonner – ou au moins à avoir la volonté de pardonner – pour nous faire toucher de la main la miséricorde du Père !
Pourquoi devrions-nous pardonner à une personne qui nous a fait du mal ? Parce qu’en premier nous avons reçu le pardon, et infiniment plus. Parmi nous, il n’y a personne qui n’ait pas été pardonné. Que chacun y pense. Pensons en silence au mal que nous avons commis et à la manière dont le Seigneur nous a pardonné. La parabole nous dit exactement ceci : comme Dieu nous pardonne, de même nous devons nous aussi pardonner à qui nous fait du mal. C’est la caresse du pardon ! Le cœur qui pardonne. Le cœur qui pardonne est un cœur qui caresse. Bien loin de ce geste du “tu le me paieras !”. Le pardon est autre chose. Précisément comme dans la prière que Jésus nous a enseignée, le Notre Père, lorsque nous disons : remets-nous nos dettes comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs (Mt 6, 12). Les dettes sont nos péchés devant Dieu, et nos débiteurs sont ceux à qui nous devons pardonner, nous aussi.
Chacun de nous pourrait être ce serviteur de la parabole qui a une grande dette à payer, mais tellement grande qu’il ne pourrait pas s’en sortir. Nous aussi, quand nous nous mettons à genoux devant le prêtre au confessionnal, nous ne faisons que répéter le même geste du serviteur. Nous disons : Seigneur, sois patient avec moi. Avez-vous pensé parfois à la patience de Dieu ? Il est très patient ! Nous savons bien, en effet, que nous sommes pleins de défauts et que nous retombons souvent dans les mêmes péchés. Néanmoins, Dieu ne se lasse pas d’offrir toujours son pardon chaque fois que nous le demandons. C’est un pardon plein, total, par lequel il nous donne l’assurance que, bien que nous puissions retomber dans les mêmes péchés, lui a pitié de nous et ne se lasse pas de nous aimer. Notre Père, en effet, s’apitoie toujours quand nous nous repentons, et il nous renvoie à la maison le cœur tranquille et serein, en nous disant qu’il nous a tout remis et tout pardonné. Le pardon de Dieu ne connaît pas de limites ; il dépasse toute imagination et rejoint quiconque qui, dans l’intime du cœur, reconnaît avoir commis une faute et veut retourner à lui. Dieu regarde le cœur qui demande à être pardonné.
Le problème, malheureusement, survient quand nous nous trouvons face à notre frère qui nous causé un petit tort. La réaction que nous avons écoutée dans la parabole est très expressive : Il se jeta sur lui pour l’étrangler, en disant : Rembourse ta dette (Mt 18, 28). Dans cette scène, nous trouvons tout le drame de nos relations humaines. Quand nous sommes, nous, en dette avec les autres, nous voulons la miséricorde ; quand, au contraire, nous sommes créanciers nous invoquons la justice ! Et nous faisons tous ainsi, tous ! Cela ne peut être le style de vie des chrétiens. Jésus nous enseigne à pardonner, et à le faire sans limites : Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois (v. 22). En somme, ce qu’il nous propose, c’est l’amour du Père, et non notre prétendue justice. N’oublions donc pas les paroles sévères par lesquelles se conclut la parabole : c’est ainsi que votre Père du Ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère du fond du cœur (v. 35).
Offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Je le répète : offrir le témoignage de la miséricorde dans le monde d’aujourd’hui est une tâche à laquelle personne d’entre nous ne peut se soustraire. Le monde a besoin de pardon ; trop de personnes vivent enfermées dans la rancœur et entretiennent la haine car, incapables de pardon, elles ruinent leur propre vie et celle d’autrui au lieu de trouver la joie de la sérénité et de la paix. Demandons à saint François d’Assise d’intercéder pour nous, afin que nous ne renoncions jamais à être d’humbles signes de pardon et des instruments de miséricorde.
Assise, Basilique Sainte-Marie-des-Anges, le 4 août 2016